Démocratie et justice dans les sociétés en transition

2010

Université de l’Amitié des Peuples, Collège Universitaire Français de Moscou, Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis (LLCP), Fondation Maison des Sciences de l’Homme de Paris, Université Paris 7-Denis Diderot (CSPRP), Université d’Artois (RECIFES)

Comité d’organisation : Guillaume Garreta, Pyotr Grechko, Anne Le Huérou, Julie Saada

La plupart des théories de la justice et de la démocratie sont pensées dans des situations idéales de paix sociale et de stabilité des institutions, que ces institutions existent déjà ou qu’elles doivent être créées. Si certaines de ces théories intègrent les dynamiques et la conflictualité inhérente à la démocratie, elles ne tiennent que très rarement compte des travaux relativement récents menés sur ces situations particulières que sont les situations de transition politique. Celles-ci désignent, dans le cadre de la justice transitionnelle, tantôt le passage d’un régime autoritaire à un régime démocratique (comme au Brésil, en Argentine, en Bolivie, au Chili, en Afrique du Sud ou dans l’Europe des anciens pays communistes), tantôt le passage d’un conflit armé à une reconstruction démocratique (ainsi, après la Seconde guerre mondiale, en ex-Yougoslavie ou au Rwanda). Dans ces deux cas, la justice transitionnelle signifie la mise en place de processus de pacification, de réconciliation, de justice à l’égard des crimes passés, et de reconstruction.

L’objectif de ce colloque est double. D’une part, il s’agit de confronter ces champs théoriques dans l’optique d’un renouvellement des théories de la justice et de la démocratie. Car comment penser ces théories dans les situations non idéales que constituent les sorties de guerre - qu’il s’agisse d’un conflit international, transnational ou interne, qu’il soit ou non accompagné de crimes de masse - ou bien les sorties de régime autoritaire ? Est-il possible de mettre à l’épreuve des contingences historiques les théories de la démocratie pensée comme conflictualité - depuis l’héritage du machiavélisme jusque dans la philosophie contemporaine -, et de les articuler aux analyses développées par la justice transitionnelle ? Les théories de la démocratie délibérative, ou de la démocratie de contestation, trouvent-elles une pertinence nouvelle lorsqu’elles sont confrontées aux problèmes posés par la reconstruction des institutions politiques ? Dans quelle mesure les processus de pacification et de reconstruction peuvent-ils s’articuler à un modèle théorique qui pense le politique comme dissensus ? D’autre part, il s’agit d’examiner en quoi ces théories sont pertinentes pour penser le contexte de la Russie contemporaine. En quel sens la démocratie de contestation, la pensée du politique comme dissensus ou l’analyse des dynamiques d’opposition s’inscrivent-elles dans l’actualité russe ? Quelle place ces logiques conflictuelles occupent-elles dans la construction de la démocratie en Russie ?

Trois axes seront développés. Le premier portera sur la question de l’articulation entre les théories de la démocratie et le renouvellement des théories de la justice porté par les travaux récents sur la justice transitionnelle. Seront interrogées, d’une part, les théories de la démocratie confrontées aux situations non idéales de crise ou de conflit politique majeur, d’autre part, les processus de réconciliation et de reconstruction pensés dans le cadre de la justice transitionnelle, confrontés aux théories de la démocratie comme dissensus, contestation, conflictualité dynamique.

Le deuxième axe portera sur la justice pénale et ses formes alternatives que sont, notamment, les Commissions Vérité et Réconciliation - comme celles qui eurent lieu en Afrique du Sud après l’abandon de la politique d’apartheid, en Amérique du Sud (Argentine, Chili, Guatemala, Panama, Pérou, Salvador) en Afrique (Maroc, Rwanda, Liberia, Sierra Leone) ainsi qu’en Corée du Sud, aux Iles Fidgi et au Timor Oriental - ou encore le recours aux formes traditionnelles de justice réparatrice (gacaca au Rwanda par exemple). Le procès pénal, ou les formes alternatives de justice, permettent-ils d’attribuer à la justice un rôle spécifique dans les processus de pacification et de reconstruction sociale, voire une fonction d’institutionnalisation de la démocratie à travers les procédures de délibération publique mises en place dans les grands procès ? Ou bien doit-on penser les limites de cette justice, comme constituant une simple restauration de la fonction pénale dans une visée de l’État de droit ? Seront aussi interrogés, d’une part, la réception de cette justice par les différents protagonistes des crimes, qu’il s’agisse de ses auteurs, de ses témoins ou de ses victimes, d’autre part, le rôle de la justice réparatrice dans la justification des amnisties. Le contexte russe sera également analysé dans le cadre de cette réflexion sur la justice, sur la fonction pénale dans l’État de droit et sur l’existence ou le refus des procès dans les contextes transitionnels.

Le troisième axe portera sur la fabrication de l’histoire et de la mémoire au sein des procès, et dans leur transmission scolaire - notamment en Russie, avec la question de l’enseignement de la période stalinienne, ou la France, en ce qui concerne l’enseignement de la colonisation et les débats autour des « lois mémorielles ». Si la question posée par la justice transitionnelle est de savoir comment les sociétés font face à leur passé violent, il s’agira alors de confronter les constructions et les usages de ce passé dans le cadre des procès pour torture, crime de masse ou crime contre l’humanité, dans celui des formes alternatives de justice ou encore dans les contextes où ces procès n’ont pas eu lieu, avec l’enseignement qui est fait du passé violent dans le cadre de l’institution scolaire, dès lors que cet enseignement apparaît très fréquemment comme un instrument d’unification sociale.



Documents

Programme Démocratie et justice dans les sociétés en transition (pdf, 42.7 ko).


Calendrier

  • lundi 1er mars 2010, 09h30-18h, Université de l’Amitié des Peuples (RUDN), bâtiment principal, 1er étage, salle 1.
    Première journée
  • mardi 2 mars 2010, 09h30-18h, Collège Universitaire Français, Université d’État de Moscou-Lomonossov (MGU), bâtiment « 2e GUM », amphithéâtre P 10.
    Deuxième journée












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