L’irruption du biographique et du littéraire dans les écritures théoriques (histoire, philosophie, sociologie)

2008

Notre réflexion est partie de l’introduction rédigée par l’écrivain Reinaldo Arenas en 1980 à son livre Le Monde hallucinant, écrit alors qu’il était encore à Cuba, et qui raconte l’Amérique latine, l’oppression, l’exil subi dans son pays même, par le biais d’une fiction fantastique romançant la vie d’un personnage historique, Fray Servando. Cette situation ne se laisse plus habiter ni penser avec les cadres habituels d’interprétation du réel, tout discours désincarné la manque et pourtant il faut la dire ou plutôt, il faut l’écrire. D’après Reinaldo Arenas, un régime d’écriture singulier doit s’inventer qui permet d’éclairer le monde et de s’y situer malgré tout. Si Le monde hallucinant est une fiction fantastique, Arenas est aussi l’auteur d’une autobiographie, Avant la nuit, par laquelle le récit de sa propre expérience introduit le lecteur à la singularité de cette vie humaine tout autant qu’à une énonciation de la situation politique et sociale dans laquelle elle s’est déroulée. Arenas écrit désormais à partir d’une situation de déracinement, de perte d’un monde qui ne lui permettait plus de vivre (le régime de Fidel Castro) mais qui lui revient dans le monde où il se trouve désormais (les Etats-Unis) où d’autres obstacles lui sont opposés, rendant sa vie impossible, mais pour d’autres raisons. Dans ces textes, une exemplarité, plus qu’une universalité ou une généralité, se fait jour, toujours singulière et sensée, dont le sens est recueilli par le lecteur, celui qui serait en particulier aux prises avec des situations analogues.

On pourrait prendre ce texte comme un défi ou une question posée à des écritures théoriques qui, chacune à sa manière et dans son propre domaine, visent l’énoncé du vrai. Il arrive pourtant assez souvent qu’à un moment donné de leur travail, des philosophes, des sociologues ou des historiens se mettent à écrire leur propre histoire ou des histoires, soit qu’ils rédigent directement des autobiographies, soit que s’immiscent, à certains moments, des éléments autobiographiques ou narratifs, plus littéraires, dans leurs textes. Si de tels gestes renvoient au problème plus général de la source de réflexion que les écrits littéraires procurent à la philosophie, à la sociologie ou à l’histoire, on peut faire l’hypothèse qu’ils prennent un sens spécifique lorsque philosophes, sociologues ou historiens sont eux-mêmes issus de situations d’ « entre-deux » . Mais ce n’est pas nécessairement le cas, aussi bien pourrait-on se demander ce que signifie pour un sociologue, un historien ou un philosophe, la rédaction d’une autobiographie. A quelle nécessité cela répond-il ? Se prendre soi-même comme matériau sociologique ou historique ? Révéler quelque chose de la subjectivité occultée par l’inscription dans l’écriture objectivante ? Etendre la maitrise de l’objectivation jusqu’à soi-même, pris comme objet sociologique ? Parmi ces textes, quelle est la spécificité de ceux qui eurent à franchir les barrières d’un monde qui, au départ, les excluait du champ intellectuel ?

Organisation : Valérie Gérard, Martine Leibovici



Documents

Programme L’irruption du biographique et du littéraire dans les écritures théoriques (histoire, philosophie, sociologie) (pdf, 49.7 ko).


Calendrier

  • vendredi 23 mai 2008, 09h-18h, Salle 018, Dalle des Olympiades.












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