Penser l’écologie politique : sciences sociales et interdisciplinarité

Organisateurs : Paris 7 CSPRP / Paris 10 Sophiapol / Sciences Po Lille CERAPS / LADYSS / SET Pau / TEM-Institut Mines-Télécom

Revues partenaires : Écologie & Politique, Revue du Mauss, Mouvements, Nature Sciences Sociétés

13 et 14 janvier 2014 – Paris 7 site des Grands Moulins
http://events.it-sudparis.eu/ecologiepolitique/

Ce colloque part du constat d’une difficulté : de quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’« écologie politique » ? Parle-t-on de développement durable ? D’après-développement, de buen vivir, d’écosocialisme, de décroissance, d’écosophie etc. ? Comment écologie et politique, politique et écologie s’articulent-elles dans cette expression à la signification des plus plastiques ? Quelle place prennent les travaux en sciences sociales tant dans les recherches en environnement que dans la discussion engagée dans le champ de l’écologie politique ? Le mouvement écologiste distingue, de son côté, depuis les origines, « l’écologisme » de « l’environnementalisme », au motif que le premier cherche à modifier les causes profondes de la dégradation de la nature et plus largement du monde vécu, tandis que le second s’en tient à la protection de la nature. Ces enjeux n’ont jamais été plus actuels, les écologistes obtiennent des scores parfois élevés aux élections (autour de 20 % tous partis confondus aux Européennes de 2009), et les questions écologiques font l’objet de tensions internationales croissantes (sommet Rio+20). Académiquement parlant, en dépit de cette dimension politique et sociétale évidente, le champ a surtout été occupé par les sciences dites « dures » (écologie, ingénierie, etc.). A l’heure où les sciences humaines et sociales en France investissent toujours plus ces questions, mais de manière inégale, il apparaît nécessaire de faire le point pour cerner les enjeux, les problèmes et les défis à relever. Dans une bibliothèque, l’étagère la plus fournie, en matière d’écologie politique, se nomme « développement durable ». L’économie est la discipline la plus représentée, mais on y trouve également la géographie, la sociologie, le droit, la philosophie, l’anthropologie et l’histoire. Certes, la thématique écologique s’est construite comme une critique de la société industrielle et de ses aspects productivistes et de consommation , que la poursuite de la croissance symbolise. Mais comment aller plus loin ? La critique du capitalisme est-elle suffisante ?

Il est admis que différentes conceptions de la nature se partagent l’histoire : prémoderne, moderne et « écologique ». A l’observation chez les Grecs aurait succédé l’expérimentation chez les Modernes, et le respect serait à venir. Or le statut de la troisième conception fait problème, dans la série. L’analyse politique tient en effet pour acquis que le passage du prémoderne (ou « antique ») au moderne implique des changements massifs : émergence de l’État, de l’économie de marché, du développement technologique, passage de la « liberté des Anciens » à la « liberté des Modernes », d’Aristote au constructivisme social, etc. Entre le prémoderne et le moderne, l’écart est souvent considéré comme étant celui de l’émergence de la science et de la technique elles-mêmes. Si l’écart entre la deuxième et la troisième conception devait être de la même magnitude, reste à savoir dans quel sens il faut s’engager pour opérer la conversion souhaitée de l’expérimentation au respect. On accuse fréquemment les écologistes de vouloir « revenir à l’âge de pierre » (ou de la lampe à pétrole). La protection de la nature n’est-elle pas plutôt un « souci moderne », qui ne se fait jour que lorsque l’agir humain atteint une certaine magnitude ? La question taraude les études sur l’écologisme, sans trouver de réponse claire.

Si, pendant des années, voire des décennies, il y a eu si peu de travaux et qu’ils ont été si peu lus, c’est parce que les auteurs qui se sont engagés à l’époque dans cette voie ont été marginalisés au motif que, pour s’intéresser à l’écologie, il fallait être écologiste, c’est-à-dire « croire » aux dangers dont les « écologistes » de l’époque disaient qu’ils menaçaient, « croire » aux « prédictions » de ces Cassandre. Nous sommes loin aujourd’hui de cette marginalisation. On n’a jamais autant parlé d’écologie (ou d’environnement) en France et dans le monde. Les voix les plus soucieuses de correction et les moins soupçonnables de vouloir changer quoi que ce soit à l’ordre établi ont même rejoint le chœur des marginaux d’hier et ne sont pas les moins radicaux. Les rapports, articles, livres, émissions, films « écologistes » sont aujourd’hui nombreux et accessibles, mais qu’en est-il de la place de l’« écologie politique » en tant que paradigme dans le champ des études académiques ? La communauté savante serait-elle aussi neutre qu’elle le prétend ? Ou au contraire a-t-elle tendance à s’aligner sur les positions de la diplomatie française, à l’échelle internationale, qui est celle d’un pays riche ?

Si elle circule bien mieux qu’avant dans la société, la littérature écologiste reste méconnue de la très grande majorité des universitaires qui la jugent a priori bigarrée et « nébuleuse ». Les auteurs « écologistes » ne sont pas nécessairement passés par l’université et, s’il arrive qu’ils soient universitaires, ils écrivent sur l’écologie en marge de leur domaine principal de recherche. Mobiliser la communauté universitaire des sciences humaines et sociales autour des enjeux de l’écologie politique, c’est certes travailler à lui faire comprendre la pertinence intellectuelle et politique de ce paradigme mais aussi travailler à réconcilier les universitaires avec les « intellectuels organiques » issus du mouvement écologiste, intellectuels qu’ils ne connaissent pas mais qui, eux, se sont formés en lisant parfois les mêmes auteurs que certains universitaires…

L’objectif de ce colloque sera donc d’examiner pourquoi les sciences humaines et sociales ont-elles tant de mal à intégrer la question écologique, comment l’écologie politique en tant que paradigme pourrait-elle être pensée ? En quoi consiste-t-elle ? Ces difficultés sont-elles les mêmes dans toutes les disciplines ? Comment les expliquer ? Comment les surmonter ?

Parmi les thèmes qui seraient à aborder (non exhaustif) :

questions épistémologiques liées à l’intégration de « la nature » en sciences humaines et sociales : le risque d’introduire du déterminisme (« biologisme » etc.), le rapport aux sciences dites « de la nature » (lesquelles etc.), et plus généralement aux savoirs et savoir-faire (techniques, technologies) mis en œuvre par une société dans son rapport au milieu ;
difficulté de « faire science » (même « humaine et sociale ») à propos d’un objet qui entremêle science, politique, engagement citoyen... Comment constituer un champ ? Quel est le corpus (livres, tracts, documents etc.) ? Est-ce souhaitable ? Est-ce possible ? Doit-il être interdisciplinaire ? Mais alors est-ce encore un champ ?
liens entre sciences humaines et sociales et intellectuels organiques du mouvement écologiste ;
la communauté des sciences humaines et sociales intègre-t-elle mieux l’écologie politique en tant que paradigme dans d’autres pays qu’elle ne le fait en France ?
de quel secours les SHS sont-elles capables, au regard du défi posé à la société et plus largement au monde dont elles émanent ? Quelles sont les perspectives politiques de l’écologie politique ? Quelles sont les spécificités de ce champ politique, par rapport à d’autres, déjà balisés ? Est-elle porteuse seulement de politique, ou plus généralement d’un « grand récit », susceptible de prendre le relais de ceux qui se sont épuisés ? Ou est-ce autre chose encore ?
Ce colloque fait le pari de la pluridisciplinarité (problématisation de l’écologie politique à partir de différents cadres disciplinaires) et de l’interdisciplinarité (travail sur les cadres disciplinaires, dans ce qu’ils peuvent avoir d’aveuglant). Le postulat est que les difficultés rencontrées dans chaque discipline, pour saisir l’écologie politique, s’éclaireront mieux par le concours des autres. Pour éviter toutefois que l’éclairage multidisciplinaire et interdisciplinaire de l’écologie politique ne vire à l’éclectisme, il sera demandé que les contributions interrogent autant l’objet étudié que les difficultés rencontrées dans leur discipline pour le cadrer, ce qui suppose de rendre visibles les fondements d’une discipline pour les autres contributeurs, permettant ainsi au dialogue de s’instaurer. Il n’y a pas de dialogue possible entre deux secteurs trop spécialisés de la recherche, car les présupposés d’un secteur sont si nombreux qu’aucun autre ne peut pleinement les maîtriser. C’est aux spécialistes de remonter en généralité, et situer leur position au sein de courants théoriques plus vastes, qui seuls peuvent être confrontés les uns aux autres. Chaque intervenant sera donc invité, à partir de son objet de réflexion et de son positionnement, à penser la place présente et à venir de sa discipline au sein d’une réflexion globale sur l’écologisme.

Les propositions de communication feront 3000 signes maximum, elles mentionneront adresse, discipline principale et affiliation et sont à envoyer avant le 31 mai 2013 à : fabrice.flipo "at" telecom-em.eu



Documents

Appel à communication - Colloque Ecologie politique (pdf, 86.3 ko).


Calendrier

  • lundi 13 janvier 2014, 10h-18h, Site des Grands Moulins, Université Paris 7.
    Première journée du colloque
  • mardi 14 janvier 2014, 10h-18h, Site des Grands Moulins, Université Paris 7.
    Deuxième journée du colloque












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